lundi 19 mars 2012

Au mécanicien des lettres..

Le jour où j’ai su que j’étais acceptée à partir en Erasmus,  la question du  bon choix ou non est très vite apparût.  Les questions typiques du futur voyageur me viennent : Et si ces kilomètres m’éloignaient de mes amies ? De ma famille ? Et si cette décision prise dans un élan d’égoïsme nuisait aux autres ? Et s’il arrivait quelques choses aux plus âgés de la famille ? Et si je ratais des moments importants ?

Je glisse implicitement ses craintes à mon frère cadet, il me rétorque très vite « tu as 20 ans, il faut le faire maintenant, sinon tu le feras jamais et tu ne te souviendras même plus des raisons du pourquoi tu n’es pas parti ». Je me suis donc envolée en  direction de la ville des Scousers.

A ma plus grande surprise, c’est la santé de mon oncle qui se dégrade. Dans l’euphorie  festive d’Erasmus, des journées dans les contrées anglaises, la réalité française est très loin. Je parle anglais, mange du bacon, boit des bières, vote pour le président du Guild, achète mes vêtements à Primark, sors au heebee jeebees , mes esgourdes sont bernés par les mélodies des Beatles. C’est plus les kilomètres qui m’éloignent mais la culture. Le ton stoïque des géniteurs, l’annonce par le microphone du HP pavillion. L’information parvient à mon cerveau, mais les connections ne sont pas là. Allons bouger nos hanches à la salsa, le rythme de la musique est rassurant.  Leur accent à coucher dehors, leurs talons, leurs maquillages dégoulinants, et l’odeur de pinte me réconfortent.

Mais la vitesse s’accélère, comme dans les films à l’américaine. Ma vie entre dans l’univers de Grey’s anatomy . J’entends même Meredith Grey  qui se moque de ma stupeur face à la médecine. «  Il ne se réveille pas du coma artificiel, les lésions du cerveaux sont épandus ». Les billets en direction de mes racines sont pris.  Je passe de ma chambre décorée de publicité de pub anglais à la réalité frappante du décès familiale. Le corps inerte est bien là, le courage des proches, et les gens qui pleurent également.

Chacun à sa manière de réagir. Il y a ceux qui sont physiquement insensible, ceux qui  ne contrôlent plus leurs émotions,  qui rient,  ceux qui au contraire ont un besoin de les exprimer à travers les larmes, ceux en colère, ceux qui cherchent un responsable, les pudiques des sentiments et moi statique ne sachant pas vraiment où me placer. 
Chaque décès renvoie à des souvenirs, des pensées ridicules (quelle était la dernière conversation ?), à la personnalité de l’être perdu, bien souvent ressortent les qualités plus que les défauts. Bien au contraire,  pour moi  c’est le souvenir de l’imperfection qui m’émeut.

 Toute cette cérémonie, entourée d’inconnus le pleurant.  Ca me semble si abstrait  et irréel. Les belles paroles de Charles Péguy m’apaisent. 
« La mort n'est rien,je suis seulement passé, dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous.Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, parlez-moi comme vous l'avez toujours fait. N'employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste.Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. »

La  tristesse de cet événement amène également à la vision extérieure de sa propre vie, de sa future mort. On tente de replanifier sa vie au mieux, d’évaluer nos propres choix passés et d’émettre de futures bonnes décisions. 
Cette date de 29 Février a pour moi une consonance  des souvenirs passés.
 Les images sont  là, les écouteurs dans les oreilles et les paroles de « laisse moi kiffer la vibes» qui raisonnent,  on appréhende d’annoncer la bêtise d’avoir déjà casser le scooteur, chaque connotation sexuelle  à la télévision nous fait pouffer de rire,  au moindre repas  le « rizoulet » nous reviens...
L’enfance est désormais derrière moi, j’aperçois au loin  l’âge adulte, qui n’a pas l’air si rigolo avec ces responsabilités. Je fais un signe discret à l’insouciance et tourne le pas.

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